Santé mental

Le racisme, comme je l’avais déjà dit dans un article précédent, n’est pas quelque chose qui arrive ponctuellement, malgré tout beaucoup de personnes Blanches pensent que le racisme se résume uniquement à de l’animosité ou des actes de violence commis sur des corps racisés.

Comme dans le cas typique, du néo nazi qui dit “sale Arabe”, “sale Noir”, ou lorsqu’il s’agit de violences physiques dues à la couleur de la peau… Malheureusement, le racisme ne se résume pas seulement à cela, il s’agit d’un système qui régit notre société et se retrouve présent dans toutes ses couches, c’est un fait énoncé et assez connu déjà expliqué par beaucoup parmi nous . 

Le racisme que j’appellerai « direct » et qui peut paraître le plus violent aux yeux des personnes Blanches n’est pas forcément celui qui affecte le plus notre santé mentale. Attention, je ne souhaite pas minimiser les agressions physiques et les insultes, mais je dis que dans mon cas et celui de beaucoup d’autres, les personnes ouvertement racistes ne sont pas forcément celles qui affectent notre stabilité quotidienne. 

Je voudrais imager ici ce que j’explique avec un exemple concret.

Cette année au Canada un homme Afrodescendant a gagné son procès contre l’entreprise pour laquelle il travaillait. Il a été reconnu victime d’accident du travail pour cause de racisme. 

Ici 2 extraits d’un article de lapresse.ca :

« Quand le diagnostic est tombé, M. Gaye a pu mettre des noms sur son état : 

Stress post-traumatique et trouble d’adaptation. Il était incapable de retourner au travail. Il y a quelques semaines, l’homme est devenu l’un des rares travailleurs québécois à avoir fait reconnaître par la justice que le racisme au travail a causé une lésion professionnelle, l’équivalent d’un accident de travail. »


« Des commentaires racistes, jour après jour, au point de le rendre malade. »

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Un des problèmes majeurs que nous devons affronter en Europe pour avoir les moyens de penser une psychologie adaptée aux traumatismes coloniaux et migratoires et liée au racisme, est le grand déni de l’existence même de ces différents traumatismes.

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Comme on peut le voir ici cette personne a donc souffert de stress post-traumatique dû aux attaques répétées qu’il subissait au travail. 

J’ai eu aussi l’occasion de voir une interview de M. Gaye dans laquelle il expliquait que ce qui l’avait affecté n’était pas le seul fait des agressions racistes; sinon la totale passivité et l’ignorance de ses collègues de travail face à ses agressions quotidiennes.


Un des grands problèmes auquel nous devons nous confronter en Europe pour être à même de pouvoir penser à une psychologie adaptée aux traumas coloniaux et migratoires et liés au racisme, est la grande négation de l’existence même de ces différents traumas. Ensuite, comme il est normalement interdit ( cette interdiction est sélective, car nous savons parfaitement que des chiffres « ethniques » sont produits, mais ils servent des agendas politiques clairement définis) de faire des étude sur les races sous forme de statistiques, comme dans le cas de la France ou l’Espagne. Il est donc très compliqué de pouvoir faire des études réelles sur ce que produit le racisme sur les populations racisées et/ou émigrées.


Afin de trouver plus de pistes, je me suis donc référé d’abord à deux personnes qui sont David R. William et Jade Almeida. 

David R. William est un professeur spécialisé dans la santé publique aux Etats Unis qui a réalisé une étude sur les effets du racisme sur les personnes racisées et Jade Almeida est une doctorante en sociologie originaire de Guadeloupe vivant actuellement au Canada.

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Les individus racisés qui ont été exposés depuis l’adolescence à une discrimination forte et continue, ont un niveau plus élevé d’hormones de stress, de pression sanguine et de problèmes de poids, à partir de l’âge de 20 ans. À un âge plus avancé ou pendant une période de croissance plus longue, les effets du stress et de l’exposition à une violence continue peuvent provoquer des maladies cardiaques, des cancers et des décès prématurés.

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Que nous explique le professeur D.R William ? 

D’abord, les résultats sont plutôt accablants, l’enquête démontre que depuis un même statut social et niveau d’études équivalentes, les personnes perçues comme des corps Noirs meurent dans tous les cas plus jeunes que les personnes d’ascendance Européenne. L’influence du racisme sur la santé des personnes non-Blanches est donc dévastatrice. L’effet du racisme quotidien et structurel, être considérés comme des êtres que la société globale n’estime pas, se retrouver dans des milieux hostiles où se retrouver face à des personnes qui les voient comme des dangers, se faisant malmener à longueur de journée, toutes ces implications créent chez beaucoup des troubles importants. Les personnes racisées ayant été exposées depuis l’adolescence à de fortes discriminations de manière continue, ont un niveau plus élevé d’hormones de stress, de tension artérielle, et de problème de poids, dès l’âge de 20 ans. Sur un âge plus avancé ou une plus longue période de croissance, les effets du stress et de l’exposition à la violence continue peuvent provoquer des maladies de l’ordre de problèmes cardiaques, des cancers allant jusqu’à une mort prématurée.
Une chose importante que je citerai ici est le sentiment de culpabilité ressenti renforcé par les personnes Blanches, qui elles-mêmes minimisent les effets du racisme et nous disent :

 « Non mais tu exagères » 

« Ce n’est pas si important »

« C’était pour rire »

« Il n’y a rien de méchant »

Ce genre de comportements et de réactions provoquent chez certaines personnes sujettes à ce type de traitements, un sentiment de culpabilité pour avoir reçu ces attaques.

Voici un résumé de ce que nous délivre Jade Almeida qui s’est basée sur l’étude de William, ainsi que sur d’autres sources. 

Quels sont les problèmes psychologiques rencontrés face à une exposition répétée au racisme?

Un taux d’agressivité qui augmente, plus d’incidences de cancer, problèmes de tension, une plus grande facilité d’addiction à l’alcool ou aux drogues, moins d’estime de soi, problèmes d’irritabilité et pour certaines personnes, on a reconnu des traumas équivalents à ceux des soldats ayant été en zone de guerre et conflit. 

Elle nous explique également que le niveau d’étude et le statut social n’y change rien, les personnes perçues comme racisées sont toujours plus exposées aux problèmes psychologiques du fait du système raciste auquel elles sont confrontées. En ce qui concerne les milieux activistes antiracistes, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de personnes atteintes de PTSD (trouble de stress post-traumatique) ce que l’on pourrait appeler : le syndrome post-traumatique du combat antiraciste.
Un autre point qu’elle met en lumière est la relation des personnes issues des minorités ethniques avec différents thérapeutes et pour ma part, j’en arrive à la même conclusion. 

Beaucoup de thérapeutes en occident ne sont pas formés sur les problèmes générés par le racisme et ne sont donc pas prêts pour pouvoir traiter les problématiques liées aux discriminations raciales. De plus dans les communautés minoritaires, beaucoup de personnes ne veulent pas aller voir de thérapeute qui ne soit pas racisé lui-même, puisqu’ elles savent qu’ils ne sont pas préparés pour gérer ces situations. D’autant plus que dans la profession même, il n’y a aucune reconnaissance de la validité du racisme systémique. Il n’y a pas assez d’études sur le sujet et il n’y a pas non plus suffisamment de diversité ethnique présente dans les milieux sanitaires (en grande partie dû à l’inégalité des chances face à l’accessibilité à l’emploi) pour pouvoir répondre aux différentes demandes et nécessités.

Passons maintenant à un cas encore plus délicat celui des enfants racisés. Ici, je ferai référence à Fatima Ouassak, une sociologue française et activiste, qui a créé «Le Front Des Mères», un groupe de mères qui a décidé de faire barrage au racisme institutionnel que vivent leurs enfants au quotidien.

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L’étude révèle qu’un enfant dès l’âge de 2 ans et demi, 3 ans, prend conscience de l’existence du racisme, il prend conscience de sa place face à la hiérarchie raciale et sociale.
Le risque de dépression, d’anxiété et d’hyperactivité, lorsque les parents ( ou tuteurs légaux ) sont dans le déni, aggrave l’impact négatif sur la santé mentale de l’enfant.

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Quels sont les effets du racisme et comment affectent-ils, les enfants?

Fatima Ouassak, nous dit qu’une étude de l’université de Californie qui s’est appuyée des travaux réalisés sur plusieurs années, plusieurs décennies, de sociologues et médecins entre autres; s’agissant d’une étude faite sur près de 100 000 enfants. Il a été constaté que l’enfant dès l’âge de 2 ans et demi, 3 ans prend conscience de l’existence du racisme, il prend conscience de la où il se situe face à la hiérarchisation raciale et sociale. 

Les risques de dépression, d’anxiété et d’hyperactivité, lorsque les parents (ou les adultes de référence) sont dans le déni, aggrave l’impact négatif sur la santé mentale de l’enfant. Elle nous explique aussi que quand les parents sont dans le schéma inverse, il y a une réduction des effets néfastes sur l’enfant; quand il y a verbalisation et reconnaissance par le parent des discriminations, l’enfant sait mieux se défendre, et quand il y a une transmission parentale à l’enfant sur ces sujets liés à la thématique raciale, cette attitude participe à une plus grande confiance en soi.

Pour ma part, j’ai entendu parler de plusieurs cas dans le cadre scolaire liés aux problématiques du racisme ambiant; où on punit ou ostracise l’enfant non Blanc qui se défend ou répond face aux attaques racistes par la violence; plutôt que de se demander, qu’est-ce qui l’a mené à cette violence et régler le problème de fond qui est dans ce cas précis, le harcèlement raciale ou raciste. 

Le manque de confiance en soi présent inévitablement dans les populations non-Blanches, est vraisemblablement lié au manque de représentations ou modèles dans les livres, dans les films, dans la culture générale ou populaire, ce qui génère des difficultés de projections pour les enfants.

Un autre problème auquel nous nous retrouvons confrontés :

Lors, d’une rencontre sur la psychologie décoloniale, une psychologue expliquait avec un discours tenu face à des personnes migrantes. Elle leur conseillait de changer de travail si elles rencontraient des difficultés sur leur lieu de travail. Plutôt que de mettre le doigt sur le problème central qui est la structure même du racisme. On déplace la problématique donc, responsabilisant la victime. 

Et je le dis haut et fort pour les différentes spécialistes, l’obtention de la nationalité ne fait pas disparaître le racisme bien au contraire. Il est vrai que pour les personnes issues des minorités ethniques qui disposent de la nationalité européenne, nous avons des papiers qui nous protègent de possibles expulsions. Contempler l’idée que d’avoir un bon travail et des papiers seraient somme toute, les circonstances idéales pour ne plus souffrir de racisme, c’est réellement vouloir se voiler la face sur les problèmes psychologiques réels que notre société créée à l’encontre des corps qui ne correspondent pas à la norme Blanche.


Les différentes conclusions qui sont exposées ici, sont extrêmement alarmantes. Dans nos différentes sociétés occidentales, pour les populations racisées, leur stabilité mentale et les répercussions sur leur santé physique face au racisme car il s’agit de problématiques complètement niées et invisibilisées par les systèmes hégémoniques de santé. C’est donc aussi, une autre forme de violence raciste à laquelle nous sommes exposés en tant que corps racialisés et stigmatisés. Nous avons besoin de décentrer le regard et penser à des méthodes qui abordent la psychologie de manière plus effective, qui prennent en compte les perspectives décoloniales ainsi qu’antiracistes pour pouvoir promulguer les soins nécessaires aux différentes communautés racisées ici en occident.

Il est temps d’agir !

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Nous devons nous décentrer et réfléchir à des méthodes qui abordent la psychologie de manière plus efficace et qui tiennent compte des perspectives décoloniales et antiracistes pour pouvoir promulguer les soins nécessaires aux différentes communautés ethniques ici en Occident.

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